21 octobre 1946. Le président chilien Gabriel González Videla «le traître», issu des rangs du Parti radical et qui est arrivé au pouvoir grâce à une coalition comprenant le Parti communiste du Chili, demande aux ministres communistes de son gouvernement de démissionner quelques jours après la validation de son élection par le Congrès.
Volodia Teitelboim, l'émissaire du parti, lui répond par la négative, raconte Adam Feinstein, le biographe et traducteur du poète chilien, dans Pablo Neruda, a passion for life (Bloomsbury).
Le chef de l'État passera outre et les évincera. Le succès des communistes aux municipales d'avril 1947 intensifie la volonté de Gabriel González Videla «le danseur de conga», de se débarrasser de ses anciens alliés.
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Les premiers dénoncent un président aux ordres des États-Unis. Pour l'écrivain et journaliste Adam Feinstein, il n'est pas certain que González Videla «le traître», ait enclenché sa chasse aux sorcières contre les communistes à la demande explicite des Américains. Même si, en ce début de cette guerre froide, ces derniers souhaitent bien évidemment annihiler le mouvement politique.
À l'instar des partisans qui manifestent partout dans le pays pour exprimer leur opposition au régime, le sénateur communiste Pablo Neruda dénonce les agissements du président González Videla.
Un an après le départ forcé des communistes du gouvernement, en octobre 1947, les mineurs de Lota (ville minière du sud du pays) lancent une grève. Elle est perçue par le pouvoir, entre autres, comme une volonté de nuire à l'économie et la première étape d'un processus visant à renverser le régime actuel et à installer une dictature communiste, écrit Adam Feinstein dans sa biographie sur Neruda.
![]() |
«DISCOURS PRONONCÉ PAR LE POÈTE ET SÉNATEUR PABLO NERUDA DANS LE SÉNAT DE LA RÉPUBLIQUE LE 6 JANVIER 1948 » |
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
«Seuls les communistes, venus
de l’enfer,comme chacun sait,
peuvent critiquer notre charte
de l’entonnoir, savante et stricte.
Cette opposition asiatique,
née chez le sous homme, il est simple
de l’enrayer : tous en prison,
tous en camp de concentration,
et ainsi nous resterons seuls,
nous, les messieurs très distingués
avec nos aimables larbins
indiens du Parti radical».
». *
Les conséquences sont immédiates. En février, Neruda est radié du Sénat et un mandat d'arrêt est lancé contre lui. L'ancien directeur de campagne de González Videla (1946) est devenu son ennemi le plus célèbre. Après avoir vécu dans la clandestinité, le poète finit par prendre le chemin de l'exil. Il quitte le Chili, à cheval, en traversant la cordillère des Andes pour rejoindre le Mexique, puis l'Europe.
* Chant général [Canto general], Première parution en 1977, Trad. de l'espagnol (Chili) par Claude Couffon. Glossaire et chronologie du traducteur . Collection Poésie/Gallimard (n° 182), GallimardParution : 13-03-1984. Extrait du poème Promulgation de la loi de l'Entonnoir, Page 207.