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LUIGI NONO, EPITAFFIO N°1 - LA GUERRA (PABLO NERUDA)

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« LA GUERRA -  EPITAFFIO N°1 - TEXTE PABLO NERUD, MUSIQUE DE LUIGI NONO », DANS  ROSWITHA TREXLER, SOPRANO ET RÉCITANTE / WERNER HASELEU, BARYTON ET RÉCITANT / RUNDFUNKCHOR LEIPZIG / RUNDFUNK-SINFONIE-ORCHESTER LEIPZIG / DIR. HORST NEUMANN.  .  
 DURÉE : 00:04:24 

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« EPITAFFIO N° 1 : ESPAÑA EN EL CORAZÓN (1952/53) : STUDI PER SOPRANO SOLO, BARITONO SOLO, CORO PARLATO E STRUMENTI, SU TESTI DI FEDERICO GARCÍA LORCA E PABLO NERUDA / LUIGI NONO ; FEDERICO GARCÍA LORCA ; PABLO NERUDA» (L'ESPAGNE AU CŒUR : ETUDE POUR SOPRANO ET BARYTON SOLOS, CHŒUR PARLÉ ET INSTRUMENTS, SUR DES TEXTES DE F. GARCÍA LORCA ET PABLO NERUDA.)

LA GUERRA (1936)

España, envuelta en sueño, despertando 
como una cabellera con espigas, 
te vi nacer, tal vez entre las breñas 
y las tinieblas, labradora, 
levantarte entre las encinas y los montes 
y recorrer el aire con las venas abiertas. 
Pero te vi atacada en las esquinas 
por los antiguos bandoleros. Iban 
enmascarados, con sus cruces hechas 
de víboras, con los pies metidos 
en el glacial pantano de los muertos. 
Entonces vi tu cuerpo desprendido 
de matorrales, roto
sobre la arena encarnizada, abierto, 
sin mundo, aguijoneado en la agonía. 
Hasta hoy corre el agua de tus peñas 
entre los calabozos, y sostienes 
tu corona de púas en silencio, 
a ver quién puede más, si tus dolores 
o los rostros que cruzan sin mirarte. 
Yo viví con tu aurora de fusiles, 
y quiero que de nuevo pueblo y pòlvora 
sacudan los ramajes deshonrados 
hasta que tiemble el sueño y se reúnan 
los frutos divididos en la tierra.

LUIGI NONO (29 JANVIER 1924 - 8 MAI 1990, VENISE, ITALIE). 
PABLO NERUDA, NOM DE PLUME DE NEFTALÍ RICARDO REYES BASOALTO, EST UN POÈTE CHILIEN, NÉ LE 12 JUILLET 1904 À PARRAL (PROVINCE DE LINARES, CHILI), MORT LE 23 SEPTEMBRE 1973 À SANTIAGO DU CHILI.

AUX RACINES DE L'IDENTITÉ NATIONALE

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Candidat, Nicolas Sarkozy ne cessa d'utiliser l'expression ; au lendemain de son élection, il la reprit pour baptiser un ministère ; depuis le 2 novembre, son gouvernement en fait le thème d'un » grand débat» , auquel les citoyens sont invités à participer : en un peu plus de deux ans, l'« identité nationale »  a envahi l'espace politique et la scène médiatique. Singulière fortune pour une notion dont l'emploi, il n'y a pas si longtemps, était inenvisageable. Et pour cause : elle n'existait pas.

par Thomas Wiede paru dans Le Monde du 10.11.2009 

Quand l'expression est-elle apparue dans la langue française ? « Seulement dans les années 1980 », répond l'historienne Anne-Marie Thiesse, directrice de recherche au CNRS et auteur de La Création des identités nationales. Europe XVIIIe - XXe siècle (Seuil, 1999). Une plongée dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France (BNF) le confirme : le premier livre dont le titre contient l'expression « identité nationale »  a été publié en 1978 (un essai sur le poète chilien Pablo Neruda)[1].

Fait révélateur : quand Fernand Braudel entreprit, à la fin de sa vie, une étude sur L'Identité de la France (parue en 1986, quelques mois après sa mort), il reconnut lui-même que l'emploi du terme ne lui avait pas été naturel : « Le mot m'a séduit, mais n'a cessé, des années durant, de me tourmenter» , confiait l'historien. Nul mieux que l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa ne sut expliquerl'opprobre qui frappait à l'époque la référence au « national »  : « Si l'on considère le sang qu'elle a fait couler au cours de l'histoire, (...) l'alibi qu'elle a offert à l'autoritarisme, au totalitarisme, au colonialisme, aux génocides religieux et ethniques, la nation me semble l'exemple privilégié d'une imagination maligne. » 

Aujourd'hui, Braudel se sentirait moins seul : selon la BNF, 30 livres portant dans leur titre l'expression « identité nationale »  ont été publiés en France depuis 2000. Soit autant en dix ans qu'au cours des vingt années précédentes.

Si l'expression s'est répandue dans les années 1980, sa généalogie mérite toutefois d'être rappelée. « C'est aux Etats-Unis, dans les années 1960, que des sociologues comme Erving Goffman ont commencé à appliquer la notion d'identité à des groupes, explique Anne-Marie Thiesse. Les premiers à se l'approprier furent les femmes et les Noirs, c'est-à-dire des groupes victimes de discriminations pour lesquels l'affirmation d'une identité était une façon deretourner le « stigmate »  qui les différenciait en en faisant un élément de fierté.» 

L'historienne insiste sur l'importance du sentiment de vulnérabilité qui est à l'origine des revendications identitaires : » C'est quand il se sent menacé qu'un groupe éprouve la nécessité de radicaliser sa différence par rapport aux autres, explique-t-elle. Ce n'est pas un hasard si l'expression « identité nationale »  est apparue dans les années 1980, quand la France perdait son leadership et se sentait, du coup, plus vulnérable.»  L'époque où le Front national s'est installé dans le paysage politique, et où l'immigration est devenue un sujet porteur en période électorale.

Le thème du « déclin français », reconnaît Anne-Marie Thiesse, ne date pas des années 1980. Mais un facteur, selon elle, explique que la nation ait alors constitué une sorte de refuge identitaire : « C'est une époque où il est devenu plus difficile de mobiliser d'autres identités, comme l'identité de « classe»  par exemple, touchée par le déclin du marxisme.»  Un sentiment commun de vulnérabilité, ajouté à une crise des idéaux collectifs de substitution : tel serait donc le terreau qui aurait permis au thème de l'« identité nationale » de prospérer dans les deux dernières décennies.

Si la notion d'identité, accolée à l'adjectif « national », est une invention récente, le sentiment national est pour sa part beaucoup plus ancien - dans le cas français, la fin du Moyen Age ayant constitué sans doute un moment inaugural, comme l'a jadis montré Colette Beaune (Naissance de la Nation France, Gallimard, 1985). Ce n'est toutefois pas avant le XIXe siècle que les nations se sont formées en tant que corps politiques adossés à une culture.

Période d'épanouissement - et de succès dans les cas italien et allemand - des grands « mouvements nationalitaires » , laboratoire des nationalismes (en France, le terme est apparu dans les années 1890), le XIXe siècle est aussi celui où les nations européennes se sont inventé une « âme »  ou un « génie». Toutes, pour cela, ont « bricolé»  ce que l'ethnologue Orvar Löfgren a appelé fort justement un « kit »  identitaire. Une sorte de check-list dont les mêmes éléments se sont combinés un peu partout au même moment : une histoire multiséculaire, des ancêtres fondateurs (les Gaulois pour les Français, les Daces pour les Roumains, les Huns pour les Hongrois...), des héros, une langue, un folklore, une gastronomie. » Les nations se sont formées les unes par rapport aux autres à partir de procédés standardisés. La construction des identités nationales fut avant tout un phénomène transnational », explique Anne-Marie Thiesse.

A partir de ce socle commun, différentes conceptions de la nation se sont toutefois confrontées. Pendant longtemps, il fut à la mode d'opposer une» conception française»  de la nation, fondée sur l'idée d'adhésion volontaire, à une « conception allemande» , fondée sur l'exaltation des origines. Le contrat social contre le Volksgeist (esprit du peuple), le droit du sol contre le droit du sang, la nation révolutionnaire contre la nation romantique.

Aujourd'hui, la plupart des historiens jugent cette opposition trop simpliste. » A l'intérieur même de la France, ces deux théories ont existé, rappelle ainsiMichel Winock, professeur émérite à l'Institut d'études politiques de Paris, dont plusieurs articles sur l'idée nationale viennent d'être republiés (Le XXe siècle idéologique et politique, Perrin). Il y a un «nationalisme fermé »  et un « nationalisme ouvert ». Le « fermé », c'est celui de Barrès et de Maurras. C'est l'idée qu'on ne devient pas français, mais qu'on l'est parce que ses ancêtres l'étaient. C'est le culte de l'enracinement, l'accent mis sur l'hérédité, d'où la référence constante, chez Barrès, à la « terre »  et aux « morts ». En France, ce nationalisme-là s'est moins fondé sur la race que sur l'identité catholique, ce qui explique, autant qu'un rejet des immigrés, une tendance à vouloir démasquer les «mauvais Français»  - c'est-à-dire, à la fin du XIXe siècle, les juifs et les protestants. En face, vous avez le nationalisme «ouvert », républicain, celui qui, dans le sillage de 1789, pense la nation comme le résultat de la volonté générale. » 

Si une phrase de Barrès résume la première conception (« Le nationalisme, c'est l'acceptation d'un déterminisme », 1902), c'est une conférence d'Ernest Renan, prononcée en 1882 à la Sorbonne, qui est souvent citée comme fondatrice de la seconde. A la question « Qu'est-ce qu'une nation ?» , l'historien répondait que celle-ci ne se définissait ni par la race, ni par la langue, ni par la religion, ni par la géographie, ni même par une communauté d'intérêts. Pour lui, la nation était une « grande solidarité » , constituée par » les sacrifices que l'on a faits et ceux que l'on est disposé à faire encore» . Si « elle suppose un passé» , elle ne se conçoit pas sans » le désir clairement exprimé de continuer la vie commune» . Une formule a fait florès : « L'existence d'une nation est (...) un plébiscite de tous les jours comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie. » 

Cette définition volontariste de la nation - Renan parle du « désir de vivre ensemble »  - repose sur l'adhésion à un certain nombre de valeurs communes. Comme le rappelle l'historien Vincent Duclert, professeur agrégé à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et auteur de La France, une identité démocratique (Seuil, 2008), c'est à la toute fin du XIXe siècle, dans le contexte d'une République à la fois conquérante et contestée, dans ces années où le régime dut faire face à deux crises majeures (le boulangisme et l'affaire Dreyfus), que ces « principes fondamentaux»  se sont cristallisés. » Dans une République qui n'avait pas véritablement de Constitution, observe l'historien, ce sont les grandes lois qui ont servi de textes fondateurs : sur la liberté de la presse (1881), sur l'école (1881-1882), sur les syndicats (1884), sur la liberté d'association (1901), sur la séparation des Eglises et de l'Etat (1905)...»

Au fil du temps, cette » identité démocratique»  n'a cessé de s'enrichir : sous le Front populaire, avec les lois sur les congés payés ; à la Libération, quand les femmes ont obtenu le droit de vote et que la Sécurité sociale a été créée ; en 1981, avec l'abolition de la peine de mort... L'existence de ce » patrimoine commun de droits et de libertés» , dont la liste est par définition ouverte, constitue ce que Vincent Duclert appelle donc l'identité démocratique de la France - expression qu'il préfère à celle d' identité nationale, dans la mesure où elle met l'accent sur un » projet politique»  en devenir plutôt que sur une » définition essentialiste»  fixée une fois pour toutes.

La combinaison d'un héritage commun et d'une espérance partagée, une définition reposant paradoxalement sur le refus d'une définition trop précise... AuMonde, qui lui demanda en 1985 s'il lui était possible de donner un contenu à la notion d'« identité de la France », Fernand Braudel répondit : « Oui, à condition qu'elle laisse place à toutes les interprétations, à toutes les interventions. (...)Il y a une identité de la France à rechercher avec les erreurs et les succès possibles, mais en dehors de toute position politique partisane.»  Avant de formuler cette injonction : « Je ne veux pas qu'on s'amuse avec l'identité. » 
Thomas Wiede


[1] TitreNeruda, poete chilien. Les Trois Résidences: «  identité nationale et conscience latino-américaine? » , Les Cahiers du Centre d'Etudes et de Recherches Marxistes. AuteursEugenia Neves, Jean Laïlle, Marie Laïlle ÉditeurCentre d'Etudes et de Recherches Marxistes, 1978

LE POÈTE PABLO NERUDA EN ITALIE VU PAR PABLO LARRAÍN

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PABLO NERUDA EN ITALIE. PHOTO
DU QUOTIDIEN ITALIEN L’UNITÀ
Fortement marqué par l'histoire de son pays, le réalisateur aime à multiplier les films qui touchent au passé récent du Chili. Larraín se plaît à mettre en scène des personnages pris dans le tourbillon d'actualités souvent agitées, avec un parti pris affiché.

Une campagne en faveur du «Non» à Pinochet, comme une pub de savon

Par exemple, « No » raconte à travers les yeux d'un brillant publicitaire interprété par Gael García Bernal, l'histoire vraie de la campagne de 1988 contre Augusto Pinochet. Une campagne électorale en faveur du «Non», chatoyante, vive et enjouée comme une pub de savon! Innovante et faussement ingénue, cette série de spots télévisés n'évoquaient à aucun moment la dictature de Pinochet, mais qui brodait plutôt sur des thèmes généraux comme la joie, la gaieté. Cette campagne avait fait basculer la majorité de manière inespérée.

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PABLO NERUDA EN ITALIE. PHOTO 
DU QUOTIDIEN ITALIEN L’UNITÀ
Concernant le biopic [Film biographique] sur Pablo Neruda, Pablo Larraín s'est entouré du dramaturge Guillermo Calderón, qui partage avec lui la même sensibilité par rapport à l'histoire et la mémoire. Ce dernier avait coscénarisé le film Violeta se fue a los cielos, biopic sur une chanteuse populaire chilienne, présenté en 2012 au festival de Sundance.

LIVRES DE PABLO NERUDA DÉDICACÉS À JULIO CORTÁZAR

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De Neruda il y a dans la bibliothèque de Cortázar presque une trentaine de livres, plusieurs des quels ont des dédicaces autographes, la majorité signées dans les années 70. Neruda écrivait avec une encre verte, une énorme lettre, et à travers de ses dédicaces on voit l'énorme amitié qui l'a uni Cortázar.

De Neruda hay en la biblioteca de Cortázar casi una treintena de libros, muchos de los cuáles tienen dedicatorias autógrafas, la mayoría firmadas en los años 70. Neruda escribía con tinta verde, letra enorme, y a través de sus dedicatorias se ve la enorme amistad que le unió a Cortázar. 

Por ejemplo, en un ejemplar de Estravagario le escribe: «Me pareció saber que esta edición la habías perdido, te la renuevo porque me llegó recién y te abrazo una vez más».







DANS L'ÉPÉE DE FLAMMES IL SE FÉLICITE DONT QU'IL SOIT ENFIN VENU LE VISITER AU CHILI À L'ÎLE NOIRE : «À JULIO CORTÁZAR, ENFIN À L'ÎLE NOIRE. SON AMI DE D'AVANCE ET APRÈS ».


CAS CURIEUX CELUI D'UN EXEMPLAIRE D'« ESTRAVAGARIO » EST SIGNÉ DANS LA COUVERTURE.








UN BIOPIC SUR PABLO NERUDA

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«LE TRAÎTRE» GONZALEZ VIDELA, DANSE LORS 
D'UN DÎNER À WASHINGTON, DC,  AVRIL  1950

Tout débute en l’année 1942. Le Chili est en proie à des déstabilisations d’ordre politique, dues notamment à deux décès présidentiels consécutifs. Le radical de gauche Pedro Aguirre Cerda meurt et le radical de droite Juan Antonio Rios, lui succède avant de décéder à son tour. En 1946 donc, de nouvelles élections présidentielles sont organisées. Parmi les candidats, un certain Gonzalez Videla [Surnommé le danseur de conga par Neruda, NDR] dont Pablo Neruda fut le directeur de campagne. Le président Gonzalez Videla, présenté initialement comme un radical, avait fait sa campagne sur une alliance avec les communistes et confia même trois ministères - l’agriculture, le travail et « les terres et colonisation » – à des personnalités politiques d’extrême gauche. 


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«DISCOURS PRONONCÉ PAR LE POÈTE ET
SÉNATEUR PABLO NERUDA DANS LE SÉNAT
DE  LA  RÉPUBLIQUE LE 6 JANVIER 1948 »
Cependant, suite aux pressions exercées par le gouvernement américain – le Chili adhère au traité inter-américain d’assistance réciproque (1947) – et corrélativement aux très bons résultats du parti communiste aux élections municipales, le président Videla révoqua ses ministres communistes, fondant dorénavant son gouvernement sur une alliance libérale et conservatrice. En réaction, les élus communistes et leur électorat manifestèrent leur opposition par plusieurs mobilisations populaires, allant jusqu’à la grève, comme celle décidée par les mineurs chiliens et pour laquelle Neruda se fit le porte-parole. La situation politique devient encore plus tendue lorsque le gouvernement Videla décide de promulguer une « loi de défense de la démocratie » qui met le Parti communiste hors-la-loi à partir de 1948. 
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C’est lors de cette même année que Pablo Neruda réalisa son dernier acte politique : le 6 janvier 1948 - alors qu’il est encore sénateur – il prononçait devant ses confrères un discours qui reprenait le célèbre « J’accuse » de Zola. Un peu moins d’un mois après, le 3 février, la Cour Suprême chilienne le radiait du Sénat et seulement deux jours plus tard, un tribunal ordonnait sa détention, obligeant le poète à un pénible passage à la clandestinité auquel succéda un exil forcé vers l’Europe (1948). 


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FILM IL POSTINO
MASSIMO TROISI, PHILIPPE NOIRET
C’est d’ailleurs dans ce contexte que Philippe Noiret incarna le rôle de Pablo Neruda dans le film Il Postino de Michael Radford (1994). Dans une Italie des années 1950, on y voit un Neruda désabusé qui trouve un dernier espoir dans l’apprentissage de la poésie à un postier illettré.

ODA A FEDERICO GARCÍA LORCA

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Si pudiera llorar de miedo en una casa sola,
si pudiera sacarme los ojos y comérmelos,
lo haría por tu voz de naranjo enlutado
y por tu poesía que sale dando gritos.

Porque por ti pintan de azul los hospitales
y crecen las escuelas y los barrios marítimos,
y se pueblan de plumas los ángeles heridos,
y se cubren de escamas los pescados nupciales,
y van volando al cielo los erizos:
por ti las sastrerías con sus negras membranas
se llenan de cucharas y de sangre
y tragan cintas rotas, y se matan a besos,
y se visten de blanco.

Cuando vuelas vestido de durazno, 
cuando ríes con risa de arroz huracanado, 
cuando para cantar sacudes las arterias y los dientes, 
la garganta y los dedos,
me moriría por lo dulce que eres, 
me moriría por los lagos rojos 
en donde en medio del otoño vives 
con un corcel caído y un dios ensangrentado,
me moriría por los cementerios 
que como cenicientos ríos pasan 
con agua y tumbas, 
de noche, entre campanas ahogadas:
ríos espesos como dormitorios
de soldados enfermos, que de súbito crecen
hacia la muerte en ríos con números de mármol 
y coronas podridas, y aceites funerales:
me moriría por verte de noche 
mirar pasar las cruces anegadas, 
de pie llorando, 
porque ante el río de la muerte lloras 
abandonadamente, heridamente,
lloras llorando, con los ojos llenos
de lágrimas, de lágrimas, de lágrimas.

Si pudiera de noche, perdidamente solo,
acumular olvido y sombra y humo 
sobre ferrocarriles y vapores, 
con un embudo negro,
mordiendo las cenizas, 
lo haría por el árbol en que creces, 
por los nidos de aguas doradas que reúnes, 
y por la enredadera que te cubre los huesos
comunicándote el secreto de la noche.

Ciudades con olor a cebolla mojada
esperan que tú pases cantando roncamente,
y silenciosos barcos de esperma te persiguen,
y golondrinas verdes hacen nido en tu pelo,
y además caracoles y semanas,
mástiles enrollados y cerezas
definitivamente circulan cuando asoman
tu pálida cabeza de quince ojos
y tu boca de sangre sumergida.

Si pudiera llenar de hollín las alcaldías 
y, sollozando, derribar relojes,
sería para ver cuándo a tu casa 
llega el verano con los labios rotos,
llegan muchas personas de traje agonizante,
llegan regiones de triste esplendor, 
llegan arados muertos y amapolas, 
llegan enterradores y jinetes, 
llegan planetas y mapas con sangre, 
llegan buzos cubiertos de ceniza, 
llegan enmascarados arrastrando doncellas
atravesadas por grandes cuchillos,
llegan raíces, venas, hospitales, 
manantiales, hormigas,
llega la noche con la cama en donde 
muere entre las arañas un húsar solitario, 
llega una rosa de odio y alfileres, 
llega una embarcación amarillenta, 
llega un día de viento con un niño, 
llego yo con Oliverio, Norah
Vicente Aleixandre, Delia, 
Maruca, Malva Marina, María Luisa y Larco,
la Rubia, Rafael Ugarte, 
Cotapos, Rafael Alberti, 
Carlos, Bebé, Manolo Altolaguirre, 
Molinari,
Rosales, Concha Méndez, 
y otros que se me olvidan.

Ven a que te corone, joven de la salud 
y de la mariposa, joven puro 
como un negro relámpago perpetuamente libre,
y conversando entre nosotros, 
ahora, cuando no queda nadie entre las rocas,
hablemos sencillamente como eres tú y soy yo:
para qué sirven los versos si no es para el rocío?

Para qué sirven los versos si no es para esa noche
en que un puñal amargo nos averigua, para ese día, 
para ese crepúsculo, para ese rincón roto 
donde el golpeado corazón del hombre se dispone a morir?

Sobre todo de noche, 
de noche hay muchas estrellas, 
todas dentro de un río 
como una cinta junto a las ventanas
de las casas llenas de pobres gentes.

Alguien se les ha muerto, tal vez
han perdido sus colocaciones en las oficinas,
en los hospitales, en los ascensores,
en las minas, 
sufren los seres tercamente heridos
y hay propósito y llanto en todas partes:
mientras las estrellas corren dentro de un río interminable
hay mucho llanto en las ventanas, 
los umbrales están gastados por el llanto,
las alcobas están mojadas por el llanto
que llega en forma de ola a morder las alfombras.

Federico, 
tú ves el mundo, las calles,
el vinagre, 
las despedidas en las estaciones
cuando el humo levanta sus ruedas decisivas 
hacia donde no hay nada sino algunas
separaciones, piedras, vías férreas.

Hay tantas gentes haciendo preguntas 
por todas partes.
Hay el ciego sangriento, y el iracundo, y el 
desanimado, 
y el miserable, el árbol de las uñas,
el bandolero con la envidia a cuestas.

Así es la vida, Federico, aquí tienes
las cosas que te puede ofrecer mi amistad
de melancólico varón varonil.
Ya sabes por ti mismo muchas cosas, 
Y otras irás sabiendo lentamente.



Pablo Neruda, « Oda a Federico García Lorca » dans ( Residencia en la tierra ),  De «Crepusculario» a «Las uvas y el viento», 1923-1954, (Obras completas, tomo I) page 331-334  Edición de Hernán Loyola. Galaxia Gutemberg, Barcelona, 1999.  

DÉCOUVERTE D’INÉDITS DE PABLO NERUDA

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LA DÉCOUVERTE COÏNCIDE AVEC LE 110E ANNIVERSAIRE DE SA NAISSANCE. LES TEXTES DEVRAIENT PARAÎTRE EN ESPAGNOL FIN 2014.

Cette trouvaille a été faite par les spécialistes de la Fondation Pablo Neruda, qui menaient des recherches dans les archives de l'écrivain. Des poèmes, dont une partie a été écrite à la main et une autre tapée à la machine, ont été découverts dans l'une des boîtes des archives du poète. Les œuvres retrouvées ont été écrites dans les années 1950, à l'apogée créative du poète. 

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Selon les spécialistes, ces œuvres inédites sont "exclusives de par leurs qualités", et les représentants de la maison d'édition Seix Barral, qui compte publier les poèmes de Neruda d'abord en Amérique Latine puis en Espagne, ont déjà qualifié cette découverte de "la plus importante pour la littérature espagnole de ces dernières années" et d'"événement littéraire d'importance mondiale".  

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UNE VINGTAINE DE POÈMES INÉDITS DE PABLO NERUDA, PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE EN 1970, ONT ÉTÉ DÉCOUVERTS AU CHILI 

Le lauréat du prix Nobel Pablo Neruda est décédé en septembre 1973 presque immédiatement après le coup d'État au Chili. Selon la version officielle, confirmée l'an dernier par les experts internationaux après une expertise de six mois, il est décédé d'un cancer de la prostate. Neruda est mort à quelques jours de son départ prévu pour le Mexique. Pratiquement tous les experts s'entendent pour dire que si Neruda était parti, Pinochet aurait été très critiqué par le poète, qui se serait trouvé en dehors du pays tout en bénéficiant d'une notoriété mondiale incontestable. 

Hormis la littérature, Pablo Neruda participait activement à la vie politique. Il était diplomate, sénateur, membre du Comité central du Parti communiste chilien et lauréat du prix Staline "Pour le renforcement de la paix entre les peuples" (1953). Son vrai nom état Ricardo Eliecer Neftalí Reyes Basoalto. Il a choisi son pseudonyme d'auteur en pour éviter le conflit avec son père, qui n'approuvait pas sa passion pour la poésie.

NERUDA REVIENT POUR SON 110 ÈME ANNIVERSAIRE !

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 NERUDA PARCOURRA SANTIAGO DU CHILI POUR SON 110 ÈME ANNIVERSAIRE !

Neruda, a expliqué  la fondation, parcourra le quartier, continuera  jusqu'à l’Alameda Bernardo O'Higgins, passera par la Bibliothèque Nationale et arrivera au Siège Central de l'Université du Chili, où sont conservées la collection de conques et la bibliothèque personnelle de Neruda, qu'il a données à cette maison d'études en 1954, lors de son cinquantième anniversaire.

C'est là que le poète « retrouvera » Darío Oses, directeur des archives de la bibliothèque Pablo Neruda, qui communiquera des détails de la découverte et de la prochaine publication de vingt poèmes inédits de l'auteur de « Crepusculario » et des « Vers du Capitaine », entre beaucoup d'autres œuvres.

Après, le poète "retournera" chez lui, où il arrivera environ quatre heures après son départ.

Les commémorations pour le 110e anniversaire de Neruda, né le 12 juillet 1904 et décédé le 23 septembre 1973, commenceront le vendredi 11 juillet dans la Maison-musée La Sebastiana, située dans le port de Valparaiso, où se tiendra le concert « Chant à Neruda », sous la direction de Hugo Pirovic.

Le samedi 12 juillet 2014, le centre de l'activité sera la Maison-musée  d'Isla Negra, où à midi (16.00 GMT) il y aura une rencontre de poésie populaire avec la présence, entre les autres, du payador José Luis Suárez, la chanteuse Maritza Torres, Rodrigo Torres, Jaime Flores et Hernán Ramirez.

La célébration de l'anniversaire de Pablo Neruda inclura, de plus, la donation d'une « Bibliothèque multilingue » à l'école Villa Las Estrellas, (Villa Les Étoiles), située dans l'île du Roi-George dans l'océan Antarctique, où des bases de divers pays vivent ensemble.

L'école accueille les enfants des chercheurs chiliens en poste sur le continent antarctique et la collection compte plus de 200 livres avec œuvres du poète, en plus des textes infantiles, livres illustrés, livres de photographie et de gastronomie.

BUENOS DÍAS

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« BUENOS DÍAS », - TEXTE PABLO NERUDA  
 DURÉE : 00:04:24 


Buenos días... ¿Puedo pasar?  Me llamo Pablo Neruda, soy poeta. Vengo llegando ahora del norte, del sur, del centro, del mar, de una mina que visité en Copiapó. Vengo llegando de mi casa de Isla Negra y te pido permiso para entrar en tu casa, para leerte mis versos, para que conversemos...

PABLO NERUDA

EL SUR DEL OCÉANO

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De consumida sal y garganta en peligro
están hechas las rosas del océano solo,
el agua rota sin embargo,
y pájaros temibles,
y no hay sino la noche acompañada
del día, y el día acompañado
de un refugio, de una
pezuña, del silencio.

En el silencio crece el viento
con su hoja única y su flor golpeada,
y la arena que tiene sólo tacto y silencio,
no es nada, es una sombra,
una pisada de caballo vago,
no es nada sino una ola que el tiempo ha recibido,
porque todas las aguas van a los ojos fríos
del tiempo que debajo del océano mira.

Ya sus ojos han muerto de agua muerta y palomas,
y son dos agujeros de latitud amarga
por donde entran los peces de ensangrentados dientes
y las ballenas buscando esmeraldas,
y esqueletos de pálidos caballeros deshechos
por las lentas medusas, y además
varias asociaciones de arrayán venenoso,
manos aisladas, flechas,
revólveres de escama,
interminablemente corren por sus mejillas
y devoran sus ojos de sal destituida.

Cuando la luna entrega sus naufragios,
sus cajones, sus muertos
cubiertos de amapolas masculinas,
cuando en el saco de la luna caen
los trajes sepultados en el mar,
con sus largos tormentos, sus barbas derribadas,
sus cabezas que el agua y el orgullo pidieron para siempre,
en la extensión se oyen caer rodillas
hacia el fondo del mar traídas por la luna
en su saco de piedra gastado por las lágrimas
y por las mordeduras de pescados siniestros.

Es verdad, es la luna descendiendo
con crueles sacudidas de esponja, es, sin embargo,
la luna tambaleando entre las madrigueras,
la luna carcomida por los gritos, del agua,
los vientres de la luna, sus escamas
de acero despedido: y desde entonces
al final del Océano desciende,
azul y azul, atravesada por azules,
ciegos azules de materia ciega,
arrastrando su cargamento corrompido,
buzos, maderas, dedos,
pescadora de la sangre que en las cimas del mar
ha sido derramada por grandes desventuras.

Pero hablo de una orilla, es allí donde azota
el mar con furia y las olas golpean
los muros de ceniza. Qué es esto? Es una sombra?
No es la sombra, es la arena de la triste república,
es un sistema de algas, hay alas, hay
un picotazo en el pecho del cielo:
oh superficie herida por las olas,
oh manantial del mar,
si la lluvia asegura tus secretos, sí el viento interminable
mata los pájaros, si solamente el cielo,
sólo quiero morder tus costas y morirme,
sólo quiero mirar la boca de las piedras
por donde los secretos salen llenos de espuma.

Es una región sola, ya he hablado
de esta región tan sola,
donde la tierra está llena de océano,
y no hay nadie sino unas huellas de caballo,
no hay nadie sino el viento, no hay nadie
sino la lluvia que cae sobre las aguas del mar,
nadie sino la lluvia que crece sobre el mar.





Pablo Neruda
Residencia en la tierra 2,  1933-1935


EN SAVOIR PLUS...GRETA KNUTSON-TZARA

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Greta Knutson née en 1899 à Stockholm, fut une peintre, poétesse, critique d'art et traductrice suédoise, qui a fait partie à la fois du mouvement Dada et plus tard du surréalisme.  

Greta Knutson a grandi dans une famille d'intellectuels aisés, bercée dans les langues étrangères.  Après avoir terminé ses études secondaires, elle assiste aux cours de Carl Wilhelmson à l'Académie des Beaux-Arts pendant un an, puis une autre année à la Royal Institution of Art. Peu satisfaite de l'enseignement reçu dans ces deux institutions,  elle choisit d'étudier à Paris avec le peintre cubiste André Lhote. 

Le 8 août 1925, elle épouse le surréaliste Tristan Tzara avec qui elle aura un enfant, avant de divorcer en 1942. Après avoir tenu sa première exposition indépendante à Paris en 1929 puis à Stockholm en 1932, elle écrit des critiques et des articles dans des revues culturelles suédoises et françaises, ainsi que de la prose et de la poésie. Sa propre traduction d'un volume contenant une collection de textes datant de 1927 et intitulé Bestien fut publiée à Berlin en 1980.  En 1985, l'édition française de Lunaires  (Collection « L'Age d'or ») fut éditée par Flammarion  à titre posthume. 

Durant la deuxième guerre mondiale, elle eu une histoire d'amour avec le poète français et leader de la résistance René Char. 

Greta Knutson est décédée à Paris en 1983.

FEDERICO GARCÍA LORCA, LA LOI DE L’OUBLI

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DIÓSCORO GALINDO, ENSEIGNANT RÉPUBLICAIN. PHOTO EFEMERIDESTENERIFE
il en a fallu du temps et des efforts pour arriver là. Secouer la loi de l’oubli, septante ans après les faits, se défendre de vouloir rouvrir les plaies, vaincre les réticences des familles. Celle de Lorca précisément, à travers les neveux qui gèrent l’héritage, s’est toujours opposée à ces fouilles. Pas parce qu’ils ne veulent rien savoir, ont-ils plaidé, mais par refus d’une exhumation-exhibition médiatique.


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Les descendants de l’instituteur Dioscoro Galindo et du banderillero Francisco Galadi, fusillés en même temps que le poète, n’avaient pas cette crainte. A force d’insister, ils ont eu gain de cause. Ils sont allés voir le juge Baltasar Garzon, qui mène son combat contre l’amnistie des crimes franquistes. Ils ont l’appui d’Ian Gibson, le célèbre hispaniste et spécialiste de Lorca, scandalisé que l’on ait abandonné le corps de l’écrivain, «jeté dans un fossé comme un chien».

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DIÓSCORO GALINDO
Au début de l’été 1936, Federico García Lorca est un artiste heureux. Il vit ce qui apparaîtra avec le recul comme sa décennie prodigieuse. Il a publié en 1928 le Romancero gitan et en 1931 Le Poème du Cante Jondo. Entre les deux, il y a eu le voyage en Amérique, dont il ramènera Poète à New York et l’Ode à Walt Whitman. On traduit ses pièces en français, Bodas de sangre devient Noces de sang.

En 1931, il a salué l’avènement de la République, grâce à laquelle il tourne dans toute l’Espagne avec La Barraca. Il a été nommé directeur artistique de cette troupe de théâtre itinérante, qui joue les classiques du Siècle d’Or dans une approche populaire. En phase avec sa culture et avec son temps.

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JOAQUÍN ARCOLLAS CABEZAS
A Madrid, alors que les événements se précipitent, on s’inquiète pour lui. Il écarte des offres d’exil en Colombie et au Mexique. «Je suis un poète, on ne tue pas les poètes», répond-il à son ami Angel del Rio, qui le presse de le suivre en Amérique. Le 14 juillet, jour même de l’assassinat de Calvo Sotelo – le meurtre de ce champion de la droite servira de prétexte à un coup d’Etat préparé depuis longtemps –, il prend le train à la gare d’Atocha pour Grenade. Il rentre chez ses parents.


On s’est beaucoup interrogé sur ce retour, par lequel il se précipite dans le piège. Mais que pouvait-il lui arriver à la Huerta de San Vicente, la propriété de famille, où poussent le blé, le maïs, le tabac, les fèves, les fruits et les légumes? N’y passait-il pas volontiers ses étés?
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FRANCISCO GALADÍ MELGAR 
Lorca est né en 1898. C’est «l’année du désastre», qui voit l’Espagne perdre les derniers restes de son empire, les Philippines, Porto Rico et Cuba. Il faut remplacer le sucre de canne. Federico García père fera fortune dans la betterave. Il a hérité de sa première femme, dont il n’a pas eu d’enfants, de bonnes terres dans la vega, la fertile vallée de Grenade.

Oui, que pouvait-il lui arriver vu son entourage? A gauche, son beau-frère Manuel Fernandez Montesinos, un médecin socialiste qui vient d’être désigné alcalde, maire de la ville. À droite, la famille Rosales, des amis qui sont tous dans la Phalange espagnole, l’organisation fascisante créée par José Antonio Primo de Rivera.

Si l’artiste est comblé, l’homme, à 38 ans, est tourmenté. On le sait aujourd’hui, il a tout de même envisagé de gagner le Mexique, où se trouve l’actrice Margarita Xirgu, sa complice au théâtre. Mais il veut partir avec Juan Ramirez de Lucas, un étudiant qui rêve d’être acteur et dont il est tombé amoureux. Le jeune homme, qui est encore mineur – il a 19 ans –, s’est rendu à Albacete pour tenter d’obtenir l’autorisation de ses parents. De la Huerta de San Vicente, Federico téléphone, écrit une dernière lettre: «Je pense beaucoup à toi, entre les lignes tu dois lire toute l’affection que j’ai pour toi et toute la tendresse que mon cœur emmagasine.»

Il a fallu attendre la mort de Juan Ramirez de Lucas, en 2010 à 93 ans, pour que cette dernière histoire d’amour soit révélée, après septante ans de silence. Certains du coup en ont tiré la conclusion que «le blond d’Albacete» devait être le destinataire des onze poèmes fébriles et inédits publiés dans les années 80 seulement sous le titre Sonnets de l’amour obscur. L’intéressé, qui a fait par la suite une belle carrière de critique culturel, n’en croyait rien, assurant avoir partagé avec Lorca une relation paisible, joyeuse. Selon lui, c’était bien «RRR» qui avait inspiré ces sonnets, autrement dit Rafael Rodriguez Rapun, le secrétaire de La Barraca, auquel Lorca vouait durant les dernières années une passion orageuse et jalouse.

Lors du soulèvement militaire du 18 juillet, Grenade bascule d’emblée dans le camp nationaliste. Le maire et beau-frère Montesinos est arrêté. Les escuadras negras sèment la terreur en ville. Début août, à trois reprises, des visites d’intimidation ont lieu à la Huerta de San Vicente. Le poète et les siens sont bousculés, insultés. La famille aide un architecte socialiste caché dans la maison à rejoindre la zone républicaine. Federico, lui, ne veut pas partir. Il cherche refuge chez Luis Rosales, l’ami écrivain bien placé dans la Phalange, s’installe dans la maison de celui-ci, au 3e étage où l’on fait même monter un piano. En vain. Le 16 août, le jour même où Montesinos est assassiné, Lorca est arrêté, emmené au Gouvernement civil. Les interventions de Luis Rosales et de Manuel de Falla, compositeur à la gloire internationale et voisin également, n’éviteront pas au poète d’être conduit dans les environs de la ville pour y être fusillé.

Ce 19 août avant l’aube, dans les oliviers de Viznar, un garde civil accompagnant le commando racontera qu’il a dû aider le condamné paniqué à retrouver les mots pour sa dernière prière. Le thème de la mort est très présent dans l’œuvre de Lorca. Peut-être se souvient-il alors de l’un de ses premiers poèmes, intitulé «Adieux»:

«Si je meurs, laissez le balcon ouvert

L’enfant mange des oranges (de mon balcon je le vois)

Le faucheur fauche son blé (de mon balcon je l’entends)

Si je meurs, laissez le balcon ouvert!»

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 DALI ET LORCA
Pourquoi a-t-on tué García Lorca? De toute évidence, même s’il n’a jamais été militant ou membre d’un parti, il était un étendard de la République et des libertés. A son corps défendant? Ses meilleurs amis, Dali et Buñuel, minimiseront par la suite son engagement politique, mais ses assassins ont prétendu qu’il faisait «plus de mal avec sa plume que d’autres avec un revolver». «Je chante l’Espagne et je la ressens jusqu’à la moelle, expliquait-il en juin 1936 au journal El Sol dans ce qui sera sa dernière interview. Mais je suis du monde entier et frère de tous. Je déteste l’homme qui se sacrifie pour une idée nationaliste les yeux bandés. Bien sûr, je ne crois pas aux frontières politiques.»

On le tue comme «communiste» mais aussi comme homosexuel. Un complice des bourreaux se félicitera qu’on ait «tiré deux balles dans le cul à ce pédé». Les circonstances de son assassinat, telles quelles ont été démêlées depuis par les historiens, laissent envisager d’autres motifs. Le rapport de force entre factions insurrectionnelles peut avoir joué son rôle: l’homme venu l’arrêter est en froid avec la Phalange, à laquelle il veut peut-être montrer qui commande. Tout comme les rivalités de clans parmi les possédants et seigneurs du sucre: il y aura dans le peloton d’exécution un parent de la première femme de son père.
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 FEDERICO GARCÍA LORCA, ET LUIS BUÑUEL  
«À Grenade s’agite la pire bourgeoisie d’Espagne», avait un jour déclaré Lorca. A peine revenu dans cette ville provinciale et conservatrice, il y donne une lecture de sa dernière pièce, La Maison de Bernarda Alba. C’est l’histoire d’une famille étouffée par la religion, les conventions, l’argent, l’autorité. Certains s’y seraient reconnus, qui chercheraient vengeance. L’hypothèse rejoint la version donnée par Dali dans son Journal d’un génie (1964): «C’était un poète cent pour cent pur, l’être le plus apolitique que j’aie connu. Il a été la victime propitiatoire de questions personnelles, ultra-personnelles, locales.» Toutes les morts de Federico García Lorca.

Les fouilles entreprises en octobre 2009 sur les lieux indiqués trente ans plus tôt par un témoin du crime seront interrompues trois mois plus tard. 277 m2 ont été excavés. Rien. Pas le moindre os, pas la moindre dent, ni du poète génial ni de quiconque, explique l’archéologue responsable des fouilles. «Nous n’allons pas faire des trous tout autour de Grenade», assure alors la Junte d’Andalousie, c’est-à-dire le gouvernement régional qui finance les travaux.

Pourtant, en 2012, l’historien andalou Miguel Caballero Pèrez et l’archéologue aragonais Javier Navarro ont obtenu une autorisation de reprendre les recherches. Le premier a restitué dans un ouvrage paru l’année d’avant «les treize dernières heures de la vie de García Lorca». Le second a déjà mis au jour trente charniers de la guerre civile. Les chercheurs se sont déplacés à 800 m du premier endroit, à proximité d’un ancien camp d’instruction de la Phalange. Selon les estimations, plus de 3000 victimes auraient pu être enterrées dans le ravin de Viznar. Aux dernières nouvelles, qui datent de décembre dernier, des sondages ont permis de localiser des puits. L’Espagne n’a pas terminé de remuer son passé. En avril 1940, le Tribunal de Grenade avait établi un certificat de décès du poète, «mort des suites de blessures produites par faits de guerre».

LA FOSSE D’ALFACAR, À GRENADE, NE RENFERME PAS LA DÉPOUILLE DE FEDERICO GARCÍA LORCA…

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Après 51 jours de fouilles, les archéologues espagnols de l’Université de Grenade  viennent d’annoncer leur conclusion : la fosse d'Alfacar où devait se trouver la dépouille du poète assassiné en 1936 Federico García Lorca est vide.
par Michel PORCHERON du 22/12/2009
en rendant publics les résultats des recherches, le directeur des fouilles Francisco Carrion Mendez a affirmé qu'il n'y avait : « pas un seul os, pas un seul fragment d'os aussi petit soit-il, pas un seul débris dentaire(…) La terre a pourtant été passée au peigne fin partout où cela a été possible.». « Aucun reste de vêtement, aucune douille de balle », a précisé Mme Begoña Alvarez,  responsable de la justice pour l'autorité régionale d'Andalousie, chargée de ces recherches, lors de la présentation du "Rapport préliminaire nº2 sur les excavations" présenté à la presse le 18 décembre à Grenade.

Le célèbre poète espagnol n'est donc pas enterré là où l'affirmaient les historiens, tout particulièrement Ian Gibson. Ni García Lorca, ni personne d'autre, n'a été inhumé sur le site. Une page de la légende est tournée. S’ouvre celle d’un mystère. 

Fusillé à Alfacar         

Depuis des décennies, la fosse d'Alfacar en effet fut désignée par plusieurs témoignages et nombreux historiens, le lieu où ont été fusillés par des franquistes puis enterrés, Federico García Lorca (1898-1936), deux anarchistes Francisco Galadi et Joaquin Arcollas et un maître d’école, Dioscoro Galindo, en août 1936, un mois après le début de la guerre civile (1936-1939). Cette zone est devenue lieu de pèlerinage, où aujourd'hui un parc portant le nom de Federico García Lorca et un monolithe rappellent la tragédie.

Pour autant, il n'est pas remis en doute que le poète aurait été fusillé dans ce lieu. Selon le quotidien espagnol El País,  le fait que le poète ait été assassiné en cet endroit précis, « n'admet aucune discussion ».

Les recherches devraient se poursuivre, les familles des autres hommes inhumés avec F. García Lorca ne désespérant pas par ailleurs de trouver les dépouilles de leurs aïeux.

Deux hypothèses peuvent être désormais émises: García Lorca a bien été enterré là mais ses restes ont été ensuite transférés ailleurs ou bien le poète n'a jamais été inhumé à Alfacar, selon le quotidien El Pais.

Les fouilles ont eu lieu à l'endroit où Manuel Castilla, qui a affirmé  avoir participé à l'inhumation du Républicain, avait conduit en 1966 l'écrivain irlandais, naturalisé espagnol, Ian Gibson, considéré comme le biographe « officiel» du poète espagnol. D'après un livre récent de l'écrivain espagnol Gabriel Pozo, Lorca, el ultimo paseo, fondé sur des conversations avec la fille de l'homme qui avait arrêté García Lorca, Castilla a peut-être tout simplement induit Gibson en erreur, rapporte une dépêche de Reuters.   

Les fouilles ont porté  sur une superficie de 276,75 m² et il a été extrait au total 75,76 mètres cubes de sédiments. Les archéologues ont conclu dans leur rapport qu'il n'y avait jamais eu ici de fosse commune ni aucun reste humain.

Reprendre tout à zéro

De plus,  Begoña  Álvarez, a expliqué que les fouilles ont mis en évidence que sur cette la zone « il n'y a jamais eu d'inhumation ». Elle a expliqué que la distance entre la surface et la roche était de seulement 40 centimètres. Or, selon elle il faudrait au moins un mètre et demi pour faire une fosse. Ainsi cette conclusion exclurait la première hypothèse émise par El País.

L'ARMH (association pour la récupération de la mémoire historique) ne compte pas en rester là non plus, même si elle se trouve devant « un défi : reprendre les investigations à zéro».

Les travaux menés par  l’équipe de Francisco Carrion du département de Préhistoire et d'Archéologie de l'Université de Grenade avaient commencé le jeudi 29 octobre. Depuis la veille, on pouvait voir des clôtures et des bâches ainsi que des gardes présents la nuit présents pour empêcher  l'accès à la fosse.  Des mesures qui avaient été prises essentiellement pour rassurer la famille du poète. En effet, celle-ci s'était opposée jusqu'aux derniers instants à l'ouverture de la fosse et à l'identification du corps. Elle avait finalement dû s'y résoudre « pour respecter le désir des autres parties impliquées ». Les descendants de García Lorca avaient également accepté de donner leur ADN pour identifier les restes de leur aïeul.

Il était alors précisé  que le rapport final des recherches devrait être établi dans les trois à six mois.

L'extrême réticence de la famille Lorca à accepter les recherches, a rapporté l’AFP, avait relancé les théories de certains historiens selon lesquelles le père du poète aurait transporté secrètement ses restes vers la résidence d'été de la famille, la Huerta de San Vicente, à Grenade (mp, 19/12/2009).

EN ESPAGNE, LE JUGE GARZON ORDONNE L'OUVERTURE DE LA FOSSE OÙ SE TROUVENT LES RESTES DE GARCIA LORCA

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LAURA GARCÍA LORCA, NIÈCE DU POÈTE.
PHOTO GORKA LEJARCEGI
 
Après s'être déclaré compétent pour enquêter sur les "disparus" du franquisme, le juge espagnol Baltasar Garzon, de l'Audience nationale, la plus haute autorité pénale du pays, a ordonné, jeudi 16 octobre, l'ouverture de plusieurs fosses communes, dont celle où se trouvent les restes du poète Federico Garcia Lorca, entre les bourgs d'Alfacar et de Viznar, près de Grenade (sud de l'Espagne).
Le Monde.fr DU   16.10.2008  avec AFP
la famille de Garcia Lorca s'était toujours opposée à l'ouverture de cette fosse qui contient également les restes de deux toreros anarchistes. Mais elle avait annoncé, en septembre, au quotidien El Pais, qu'elle ne s'opposerait pas finalement à l'ouverture de la fosse commune. "Même si nous aimerions que cela ne se fasse pas, nous respectons le désir des autres parties impliquées", avait déclaré Laura Garcia Lorca, nièce du poète et porte-parole de la famille.

Le juge Garzon a également décidé d'autoriser l'exhumation de la dépouille mortelle du maître d'école Dioscoro Galindo exécuté en 1936, près de Grenade, par des franquistes en même temps que le poète. 

CANTO A BERNARDO O´HIGGINS

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[ Pour écouter, cliquer sur la flèche ]
 
« CANTO A BERNARDO O´HIGGINS » TEXTE PABLO NERUDA, MUSIQUE VICENTE BIANCHI.
 DURÉE : 00:03:56 
  
Quien será ese hombre tranquilo
sencillo como un sendero
valiente como ninguno
Bernardo te llamaremos

Solo Bernardo te llamas
hijo del campo y del pueblo
niño triste, roble solo
lámpara de Chillan viejo
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PORTRAIT DE BERNARDO O'HIGGINS RIQUELME
À LONDRES (1798), AUTEUR ANONYME

Estribillo:
Pero la patria te llama y vienes
y se despliega tu nombre
Bernardo O'Higgins Riquelme
como si fuera una bandera
al viento de las batallas
y en primavera
al viento de las batallas
y en primavera

O'Higgins nos enseñaste
y nos sigues enseñando
que patria sin libertad
es pan, pero pan amargo

De ti heredamos la lucha
orgullo de los chilenos
tu corazón encendido
seguirá combatiendo

Estribillo:
Pero la patria te llama y vienes
y se despliega tu nombre
Bernardo O'Higgins Riquelme
como si fuera una bandera
al viento de las batallas
y en primavera
al viento de las batallas
y en primavera.



BIENVENU PABLO NERUDA

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LA COPIE D'UN VIEUX JOURNAL AVEC LE POÈTE LAURÉAT DU PRIX NOBEL PABLO NERUDA, VU DANS SA MAISON DE SANTIAGO DU CHILI, LE VENDREDI 8 NOVEMBRE 2013. PHOTO LUIS ANDRES HENAO

LE CHILI CÉLÈBRE L'ARRIVÉE DU WINNIPEG, BATEAU AFFRÊTÉ PAR PABLO NERUDA

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Ce fut seulement une fois arrivé à Paris, explique-t-il à l'AFP, dans une France pas encore tout à fait en guerre, qu'il lut dans le journal que le consul pour l'immigration espagnole Pablo Neruda organisait des entretiens au consulat. Ceux-ci impliquaient des réfugiés espagnols dans l'optique de les emmener de l'autre côté de l'Atlantique, au Chili.


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L'ARRIVÉE DU WINNIPEG À VALPARAISO

Victor Pey s'est alors retrouvé face au poète qui prenait ses notes dans un carnet : « J'ai cru que c'était perdu d'avance, parce que l'entretien avec Neruda n'a pas été très chaleureux, mais au bout de dix jours j'ai reçu un avis nous demandant d'embarquer immédiatement sur le Winnipeg, à Trompeloup (Gironde). »

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RÉFUGIÉS ESPAGNOLS DANS LE  BATEAU WINNIPEG  DANS
LE PORT DE TROMPELOUP PRÈS DE BORDEAUX, 1939.
  PHOTO IONE ROBINSON     
 
Mercedes Corbato, également du voyage, se rappelle que le voyage s'est organisé alors que ces réfugiés n'avaient pas d'autorisation pour vivre en France. Leur crainte était d'être déportés. Pour elle et les quelques 2.200 pêcheurs, paysans, ouvriers, intellectuels, anciens militaires, et jeunes enfants, « cela a été un grand bonheur de pouvoir monter dans ce bateau, qui allait nous amener vers la liberté».

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L'ARRIVÉE DES RÉFUGIÉS ESPAGNOLS
À VALPARAISO
Pour atteindre cette liberté, il aura fallu 30 jours de voyage. Dans l'embarcation de 4.500 tonnes, les cales ont été aménagées avec des matelas ainsi qu'une cantine. Et le 3 septembre 1939, le Winnipeg arrivait finalement à bon port. Même si l'embarcation allait être détruite par l'armée nazie lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, selon l'historien espagnol Mario Amoros.

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JEUNE PASSAGÈRE DU BATEAU WINNIPEG  
DANS LE PORT DE TROMPELOUP,  1939.
PHOTO  PHOTO IONE ROBINSON     
 
Victor Pey raconte que les réfugiés sont « arrivés à la tombée de la nuit au port de Valparaiso, et, la première chose que l'on a vue, c'était très joli, les collines de Valparaiso toutes illuminées. Le jour suivant, la majorité des voyageurs a pris un train pour Santiago, la capitale, où une foule de gens nous a reçus avec beaucoup de tendresse». Une grande partie d'entre eux aurait alors trouvé du travail rapidement.

Mais si certains allaient finir leur vie au Chili, d'autres dûrent fuir encore. Car avec le coup d'Etat d'Augusto Pinochet, en septembre 1973, certains sympathisants de la gauche déchue de Salvador Allende se sont à nouveau exilés. Dans ses mémoires, Pablo Neruda évoque cet épisode humanitaire comme « la plus noble mission accomplie dans ma vie». Pour Victor Pey, c'est aussi « ce qui a permis que je garde ma vie, mon travail et ma dignité».

UN BATEAU DE RÉFUGIÉS CÉLÉBRÉ AU CHILI

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TABLEAU DU « WINNIPEG » QUI ORNAIT LA CABINE DU CAPITAINE GABRIEL PUPIN, OFFERT PAR CELUI-CI, À LA FAMILLE DE VÍCTOR PEY, PASSAGERS DU « BATEAU DE L'ESPOIR » 
Le voyage dure exactement 30 jours. Dans le bateau, de 4.500 tonnes, les cales sont aménagées avec des matelas pour faire dormir les réfugiés. Une cale sert de cantine. 
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LE WINNIPEG TRAVERSE LE LAC GATÚN
ZONE CANAL PANAMA AOUT 1939
Le Winnipeg touche finalement terre de l'autre côté de l'Atlantique le 3 septembre 1939. Le bateau, lui, eut moins de chance: alors que la Seconde guerre mondiale éclatait, il fut détruit par l'armée nazie, selon l'historien espagnol Mario Amoros.

FUNÉRAILLES SURVEILLÉES

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26 septembre 1973 05min 22s.  Le poète et homme politique chilien, Pablo NERUDA, est décédé le 23 septembre 1973 d'un cancer du pancréas, à la Clinique Santa Maria de Santiago. Images du cortège, du cercueil, de la maison du poète, saccagée, interview de l'ambassadeur de Suéde au Chili, en français. Le cercueil est porté dans le parc. Déclaration de Nemecio ANTUNEZ, directeur du musée de Santiago, Matilde URRUTIA, veuve du poète, devant la maison détruite, Radomiro TOMIC, candidat démocrate chrétien en 1970

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PHOTO EVANDRO TEXEIRA
«S'il vous plaît, plus de photos », a demandé Matilde. Les flashes mitraillaient avec insistance le corps sans vie du poète, en projetant une lumière clignotant dans ce couloir obscur de la Clinique Santa María. C'était le matin du 24 septembre 1973. La nuit précédente, à dix heures passées, Neruda était mort en prononçant -dans un délire bouleversant- ses derniers mots : « Ils sont en train de les fusiller! Ils sont en train de les fusiller! » .

Les photographes n'ont pas fait grand cas du désir de la veuve, et ils se sont obstinés dans l'éclair de leurs appareils photographiques. Avec la presse, une vingtaine d'amis intimes se pressaient aux côtés de Matilde. Le corps fut mis dans un cercueil gris qui est arrivé peu après. Francisco Coloane a fini de boutonner la chemise, ils refermèrent le cercueil et le cortège se dirigea à La Chascona (maison du poète à Santiago), sur le flanc de la colline San Cristóbal.


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LE CORTÈGE SE DIRIGEA À LA CHASCONA 
(MAISON DU POÈTE À SANTIAGO), SUR LE 
FLANC DE LA COLLINE SAN CRISTÓBAL. 
PHOTO EVANDRO TEIXEIRA
Par œuvre des militaires, La Chasconaétait un désastre : tableaux déchirés, livres à demi brûlés, partout des objets brisés, les rideaux et le téléphone avaient été arrachés. On entrait en marchant sur des morceaux verres. Non contents de la fouille pratiquée, ils avaient dévié un canal qui passait par le coteau en le dirigeant directement sur la maison. La boue s'accumulait dans sur le plancher, il n'y avait pas de lumière électrique, et un air froid se glissait par les fenêtres brisées.


Quelqu'un a proposé de conduire le cercueil à la Société d'Écrivains. « Pablo a voulu être transporté chez lui. Nous ne l’emmèneront nulle part ailleurs », a prévenu Matilde.

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AU CIMETIÈRE, IL Y EUT DES DISCOURS, 
DES POÈMES EN HOMMAGE À NERUDA, DE
 VAGUES MÉTAPHORES EXIGÉES PAR LA 
PRÉCAUTION DE NE PAS DIRE CE QU’ON 
AURAIT PRÉFÉRÉ CRIER. ILS PLACÈRENT 
LE CERCUEIL DANS LE MAUSOLÉE, ET LE 
COUVRIRENT DE FLEURS.  
PHOTO EVANDRO TEIXEIRA
Les gens ont commencé à arriver. Les premiers furent les ouvriers de Quimantú qui venaient ce jour d'être licenciés, et ils avaient voulu accompagner le cercueil : ils se postèrent près de la caisse et lui ont fait une garde d'honneur. Les missions diplomatiques sont alors arrivées, et la première couronne est apparue, «Au grand poète Pablo Neruda, Prix Nobel. Gustavo Adolfo, Roi de la Suède». L'ambassadeur suédois s’emportait, tandis qu'il interpelait les photographes: «Prenez des photos, des photos, des photos, c'est la preuve la plus évidente de la sauvagerie de ces gens!». Les ambassadeurs de la France et du Mexique sautaient entre les flaques de boue pour arriver au living.

Portant des lunettes sombres, et vêtu d’un manteau noir rigoureux, dans un coin était Alone, le critique littéraire qui n'avait pas économisé des mots pour exiger, depuis sa tribune dans El Mercurio, le coup d'État. Ils sont aussi apparus, quelques représentants de l'Assemblée Militaire que Matilde a n'eu pas voulu recevoir. Beaucoup d'amis de Neruda étaient là bien tout en étant conscients du risque qu'ils couraient.


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IL Y A EU DES GENS COURAGEUX POUR L’ACCOMPAGNER JUSQU’AU BOUT DE SON VOYAGE EN CHANTANT L’INTERNATIONALE ET CECI : « PABLO NERUDA, PRÉSENT MAINTENANT ET TOUJOURS/ SALVADOR ALLENDE, PRÉSENT MAINTENANT ET TOUJOURS/ VICTOR JARA, PRÉSENT MAINTENANT ET TOUJOURS. »  PHOTO EVANDRO TEIXEIRA

Le mardi 25, à neuf heures du matin, ils sortirent la caisse en traversant l'eau et la boue qui inondait l'entrée et le rez-de-chaussée. Les journalistes étrangers qui arrivaient pour couvrir les obsèques de Neruda étaient consternés devant la scène. Dehors, dans la rue, un groupe d'ouvriers et d'étudiants s'était déjà formé. les premiers cris commençaient à se faire entendre, défiant l’œil vigilant des militaires postés sur les trottoirs, et donneraient ce matin-là le ton de protestation au cortège funèbre : « Camarade Pablo Neruda! », et la réponse en choeur : « Présent! ».


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QUATORZE JOURS APRÈS LE PUTSCH DE PINOCHET, LE CORTÈGE FUNÉRAIRE DE PABLO NERUDA A ÉTÉ LE PREMIER ACTE DE RÉBELLION OUVERTE CONTRE LA DICTATURE. PHOTO EVANDRO TEIXEIRA

Probablement, le Registre le plus complet de ce tragique événement (avec les images gravées par Patricio Guzmán ce jour là dans le celluloïd de « La bataille du Chili »), sans doute a-t-il été rassemblé par le journaliste Sergio Villegas en un texte court, « Funérailles surveillées », qui a presque 25 ans, et qui est réédité au Chili (le Comité Pour Retour d'Exilés a fait une petite édition de cinquante pages en 1984). Il fut publié pour la première fois en 1978, dans le troisième numéro de la revue Araucaria, que Volodia Teitelboim et Carlos Orellana dirigeaient et éditaient depuis Madrid. Le texte a été traduit dans plusieurs langues, adapté pour la radio, et repris dans grand nombre d'oeuvres anthologiques.


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MALGRÉ LA PEUR LES GENS SONT SORTIS DIRE AU REVOIR À NERUDA, CE MATIN TIÈDEMENT ENSOLEILLÉ. RUE PURÍSIMA, FLEUVE MAPOCHO, AVENUE LA PAZ. FACE À UNE CENTRALE ÉLECTRIQUE, LES MILITAIRES DE L’ARMÉE CHILIENNE VISAIENT LE CORTÈGE. PHOTO EVANDRO TEIXEIRA


« Funérailles surveillées » conserve cette fraîcheur de ton dramatique que Villegas a atteint en recueillant des fragments de témoignages d’amis proches du poète, et qui furent des témoins directs de ces funérailles pleines de rage, un événement que beaucoup ne tarderont pas à considérer comme la première manifestation de rébellion contre la dictature. Tout juste mentionnés par un de leurs noms (Aída, Luis Alberto, Bello, Loyola), comme si c’était l’histoire en elle-même -et non ceux qui la disent- qui a en réalité de l’importance, les témoins superposent leurs voix et reconstituent une mémoire pleine d’affection, dramatique, mais avant tout collective.

« Funérailles surveillées» est aussi un témoignage de la résistance dans l’exil. A ce texte qui raconte les funérailles de Neruda s’ajoute un autre, tout aussi court, «Armée nocturne», écrit en 1983. Il relate une autre histoire d’opiniâtretés et d’obstinations, celle de Radio Berlin, et celle des ces programmes qui, par onde courte, dévoilait au monde entier les atrocités de la dictature. Tout comme Volodia sur Radio Moscou, Sergio Villegas depuis Berlin était la voix qui venait de loin raconter ce qui se passait à l’intérieur, qui recueillait les témoignages des exilés, des intellectuels latino-américains et européens contre le régime, qui rendait compte chaque soir des sessions de la Commission d’Investigation des crimes de la junte militaire mise en place par les Nations Unies, initiative inédite que l’organisme international n’avait entrepris avec aucun autre pays. C’était l’époque où un grand nombre de personnes prit l’habitude de se régler sur la fréquence et de chercher les décharges nocturnes de vérité qui venaient, par onde courte, depuis l’autre bout du monde. Malgré la peur.


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LE 23 SEPTEMBRE 1973, SOUS L’ÉTAT DE SIÈGE, LE CERCUEIL DE PABLO NERUDA COUVERT DU DRAPEAU NATIONAL EST CONDUIT AU CIMETIÈRE PARA SA VEUVE ET QUELQUES PROCHES, ACCOMPAGNÉS PAR DES CENTAINES D’ANONYMES. LA DICTATURE DE PINOCHET S’INSTALLAIT AU CHILI À FEU ET À SANG, ET LES FUNÉRAILLES DU PRIX NOBEL ONT ÉTÉ LA PREMIÈRE MANIFESTATION PUBLIQUE CONTRE LE CRUEL RÉGIME MILITAIRE. PHOTO EVANDRO TEIXEIRA

Et c’est également malgré la peur que les gens sont sortis dire au revoir à Neruda, ce matin tièdement ensoleillé. Rue Purísima, Fleuve Mapocho, Avenue La Paz. Face à une centrale électrique, les bérets noirs de l’armée visaient le cortège. Les gens se resserraient. Par moment, quelqu’un, un livre à la main, récitait des vers du poète :

Chacals que le chacal repousserait,
pierres que le dur chardon mordrait en crachant,
vipères que les vipères détesteraient !

Au cimetière, il y eut des discours, des poèmes en hommage à Neruda, de vagues métaphores exigées par la précaution de ne pas dire ce qu’on aurait préféré crier. Ils placèrent le cercueil dans le mausolée, et le couvrirent de fleurs. Il restait encore à limiter les risques de la sortie. Des rumeurs circulaient. « Ils arrêtent des gens dehors », quelqu’un a dit. « Sors par derrière », conseillait un autre. A l’entrée du cimetière se tenaient les militaires, ils regardèrent les gens sortir, vigilants, sans bouger.
Traduction de M C

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